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Dimanche 25 avril, 2021.

C’est drôle, je ne sais pas comment commencer ce deuxième billet. Et pourtant, il y a tellement de choses à dire sur l’eau. C’est partout et en tout. Peut-être que mon ambivalence tient précisément de cela : , de par son omniprésence, l’eau est  à la fois concrète et insaisissable.  Dans le cadre de cette exposition, je réfléchis à la place octroyée à l’eau dans mon quotidien. Quels sont mes rituels reliés à l’eau?

Les verres d’eau quotidiens. Il est recommandé de boire un minimum d’un litre d’eau par jour, que je compte en doses de 250 ml, pour un total de quatre verres. Quatre verres : cela semble minime, et pourtant il est si facile d’oublier de s’hydrater.

 

Premier verre

J’aime boire mon premier verre d’eau en silence, tout comme mon premier café. Autant que possible, j’évite de discuter durant ces moments-là : je conçois ces moments comme étant précieux. J’ai le privilège de me réveiller dans un état de contemplation. C’est pour moi une occasion de prendre conscience de mon état d’âme au réveil et de méditer sur la journée qui débute, je me donne quelques minutes de présence. Est-ce que cela vous arrive d’errer un verre à la main dans votre maison? Ou peut-être que vous vous posez devant une fenêtre pour fixer au loin et que chaque gorgée ponctue vos pensées?

 

Deuxième verre 

J’ai longtemps tenu pour acquise l’eau qui coule de mon robinet. Il y a quelques années, j’ai pris conscience des revendications des peuples autochtones sur l’accès à l’eau courante et potable. Certaines réserves ont des avis d’ébullition d’eau depuis 1995, et en 2015 plus d’une centaine de communautés Premières Nations à travers le pays n’avaient pas d’eau potable dans leurs domiciles.  Bien que les chiffres aient changé durant les cinq dernières années, ce que l’on appelle un progrès dans le dossier gouvernemental de la crise de l’eau potable, est une violation des droits de la personne qui fut permise et perpétuée en toute impunité. Le 2 décembre 2020, Marc Miller, des services autochtones, a annoncé que la promesse électorale fédérale d’éradiquer cette situation désastreuse pour mars 2021 ne pouvait être atteinte dû à la pandémie. C’est ahurissant que le discours populaire  relègue l’inaccessibilité des  services de base aux pays désignés comme étant sous-développés, alors qu’il y a plus de soixante nations qui sont en attente de ces services ici-même au Canada. De plus, ces chiffres ne comptabilisent pas les eaux qui sont menacées de contamination par les  développements industriels sur des territoires non-cédés. La disparité entre l’accès aux services  de base pour les habitants vivant à l’intérieur et à l’extérieur d’une réserve est disproportionnellement alarmante.

 

Troisième verre

L’artiste Tania Love m’a récemment envoyé un bel article provenant du Journal du Thé, présentant une conversation imagée entre l’artiste Céline Daladier et l’architecte Nicolas Soulier vivant à Drôme en France. Une méditation sur le rituel du thé les amène à discuter de l’organisation spatiale en milieu urbain, l’architecture, et la manière dont les sources d’eau sont dissimulées. Il y a un passage  qui m’a particulièrement séduite, où Daladier et Soulier discutent de la relation que l’on entretient avec l’eau dans notre logis: “Hiding water and water pipes seems to have become an ideal. But all these waters [drinking water, wastewater, and black-water] have a very strong poetic potential and are likely to become important elements of our habitat and its overall quality.” (p. 31)  Cette observation m’a fait penser à l’univers dépeint par l’auteur Daniel Coleman dans le récit Yardwork: A Biography of an Urban Place. Coleman examine l’histoire de sa propriété à Hamilton (Ontario) en tissant des liens entre la faune, la flore, l’eau et l’occupation humaine. Son investigation commence par les archives sur la vente et l’achat de son terrain, soulignant l’historique de colonisation et de migration qui ont permis l’établissement de son quartier. Ses recherches se poursuivent avec l’exploration de la circulation de l’eau sur son terrain et dans la ville. Le passage du Journal du Thé fait écho à cette observation faite par Coleman : “But in nature, how do we find the beginning of the pipe? (…) Non-point sources : it’s a name that points to what we don’t know. People like groundwater to stray in the ground- out of sight and out of the way of the structures we build, such as parking, lots, roads, sidewalks, and buildings.”   (p. 102-103) 

 

Quatrième verre

En écrivant ce billet, je réalise que je n’ai bu que deux verres d’eau depuis ce matin. Il est si facile d’oublier de s’hydrater.