Équipe de l’ArtLab –
Septembre 2024
Lors du vernissage de Les petites choses, l’exposition qui clôt une année de résidence des artistes Maude Arès et Douglas Scholes, la commissaire Noémie Fortin a partagé ses impressions du processus de création et des rencontres qui ont eu lieu à travers les saisons, en lisant à voix haute quatre textes qui rendent compte de l’évolution du projet.
automne
En septembre, Scholes se terre en posant son corps au sol de l’érablière, au milieu des feuilles mortes – ici et là, encore et encore – plusieurs fois cette semaine-là et les autres qui suivront.
Arès, elle, la retrouve.
Cette terre où ses amies se sont construit un chez-elles à la campagne. Elle l’a déjà visitée ; y a collecté des souvenirs qui dorment dans ses boîtiers. Cette fois-ci, une récolte de brins d’herbe noués en petit bouquet et la plante qui était rose dont je ne connais pas l’espèce s’y ajoutent.
Des collections de gestes et d’objets sont entamées ; elles s’étendent, grandissent, s’étoffent au fil des rencontres avec les recoins de la ferme que les artistes ne connaissent pas encore.
marcher ensemble en silence
partager un dîner au verger
poser des gestes simples avec la matière
dessiner, lire
écouter le territoire, le vent, le ruisseau, la pluie
les tracteurs, le champ de tir, la route 108
le grattement des rongeurs, les rires voisins
se coucher dans les feuilles mortes
ramasser les pommes tombées au sol
se contenter
printemps
Les rythmes cosmiques influencent le règne végétal.
23 mai : jour de pleine lune Le calendrier biodynamique dessine une journée-feuille et les lilas sont en fleurs.
Un rassemblement est organisé au verger avec un partage de nourriture, de musique tout-terrain et d’une ronde chantée – bras dessus bras dessous – en l’honneur du mois de mai.
au printemps
belle verdurette
Dans nos têtes, les angles de la galerie s’arrondissent ; on les habille de fibres-papiers.
hiver
L’hiver est timide cette année ; plus mouillé que froid.
Une autre pluie de février et la lumière revient doucement.
Arès et Scholes organisent une rencontre avec la communauté qui habite la ferme et les autres qui l’entourent. Nous partageons un moment dans la serre remplie des fragments de leurs explorations matérielles – chaudron de cire, pièces de céramique, graines poussières, petites aquarelles, moules de plâtre, coques de courges – et un repas dans la grange.
Nous nous éclairons aux lueurs de molènes, celles que Francine a récoltées dans l’espoir d’illuminer la saison froide. Les artistes les ont trouvées, ont trempé leurs pointes dans la cire d’abeille pour les faire durer toute la soirée
été
Les tableaux qui habitent les chalets de la ferme s’animent devant l’appareil photo de Scholes, comme une collection qui marche entre les sapins, les hautes herbes et les cratères de sable.
L’axe de la Lune se noue ;
il vaut mieux éviter les travaux au jardin.
Arès explore les relations ciel-terre et la force qui les unit, qui les sépare. Elle dessine à l’encre de Chine un corps-terre adossé au ciel ; qui porte l’univers dans son ventre.
Une dernière semaine.
Le vert teinte le territoire et s’étend jusque dans l’espace d’exposition, qu’on s’imagine avec de grandes toiles aux couleurs grenouille, champ et forêt. Bientôt, les coffrets-paysages, les moulages en cire d’abeille, les résonances et les vibrations qui animent la ferme prendront place dans la galerie.
il faudra se laisser porter
par les récits de la matière
sentir leurs alliages
entretenir leurs fragilités
recomposer les échelles
et décomposer les œuvres
pour former le paysage commun d’une expérience partagée au contact de la terre.
Noémie Fortin, commissaire