Camila Vásquez –
Novembre, 2024
Il fait bon d’entrer dans une atmosphère aussi douce, au creux de la noirceur d’un soir de novembre. Quand j’arrive, la ruche d’art du Tremplin 16-30 est déjà commencée depuis un moment et on a l’impression de s’insérer dans un espace-temps parallèle, diamétralement opposé à celui de la rue. Comme d’habitude, l’accueil est chaleureux, les connexions sont sincères et simples, et on se sent rapidement disposé à se déposer. Mais cette fois-ci, il se dégage quelque chose de particulièrement calme, de l’ordre de l’intériorité, qui résonne avec la période de l’année.
Depuis le milieu de l’automne, j’entretiens des correspondances avec les membres de l’équipe du Tremplin et les artistes en résidence. Par images ou par écrit, elles me tiennent au courant de l’évolution des projets, mais aussi de ce qui se passe durant les ruches d’art. Cette saison, les artistes plongent plus franchement dans leurs recherches et créations, et, grâce à leur énergie créative, embarquent des participants et participantes dans leurs univers artistiques respectifs. Dès le début de l’automne, alors que la chaleur était toujours là et que l’on récoltait encore ce que l’été nous avait apporté, les artistes avaient exprimé leur désir de s’aventurer plus profondément dans leurs processus de création. Lysanne Picard, qui a appris à coudre durant la saison estivale et s’est procuré une machine à coudre dans le but de créer des jouets sensoriels, a apporté sa machine à plusieurs reprises à la ruche d’art. Elle travaille sur le choix de tissus, partage avec d’autres des moments de toucher de matières textiles, pose des questions par écrit et teste ainsi les préférences pour fabriquer des prototypes. Anabelle Brochu consacre du temps à des entretiens individuels pour parler de tarot, discuter de ce qui fait du bien et dessiner, et ainsi nourrir son projet de résidence. À partir des données récoltées, elle crée des pièces de poterie selon différentes catégories qui favorisent le mieux-être, comme « animaux-douceur » ou « lecture-imaginaire », sur lesquelles elle dessine dessus.
J’observe la familiarité avec laquelle tous ces habitués se dispersent dans les deux grandes salles du Tremplin et se livrent à leurs activités créatives. Chacun et chacune circule avec une telle fluidité qui laisse entrevoir à quel point la ruche d’art est un safe space où chaque personne est concentrée sur sa tâche, mais également perméable aux autres. Ni un, ni deux. Mixité, marges, joies, tel est le titre donné à cette résidence dans le but de créer un contenant propice à l’exploration de l’art social, et il me semble que cela s’incarne dans cette soirée-là. Personne ne pourrait distinguer les artistes parmi ce groupe hétérogène qui forme une communauté tissée serrée autour de l’art. Ce qui témoigne de l’intégration graduelle des artistes dans le milieu et de l’accompagnement qu’elles ont reçu de la part des intervenantes et intervenants lors des ruches d’art hebdomadaires et des soupers communautaires mensuels.
« Toutes les ruches d’art ne sont pas aussi tranquilles ! » me font savoir les facilitatrices. D’ailleurs, lors de celle dédiée à la Nuit des sans-abris qui a eu lieu en octobre, l’ambiance était plutôt bouillonnante. Les participants et participantes ont été invités à s’exprimer artistiquement sur le thème du chez-soi. Plusieurs ont mentionné la famille, le réconfort, des objets familiers, un lieu où il est possible d’accéder à la solitude ou encore, un état de stabilité interne. Des préoccupations qui sont au cœur des démarches artistiques d’Anabelle et Lysanne et qui sous-tendent leurs recherches actuelles.
Images
1 – 3. Ruche d’art de La nuit des sans-abris. Photo: Tremplin 16-30
4. Recherche de Lysanne Picard dans le cadre de la résidence Ni un, ni deux. Question demandée aux participants et participantes de la ruche d’art. Photo: ArtLab
5. Recherche de Lysanne Picard dans le cadre de la résidence Ni un, ni deux. Session de couture avec une participante. Photo: Tremplin 16-30
6. Recherche d’Anabelle Brochu dans le cadre de la résidence Ni un, ni deux. Session de dessin avec une participante. Photo: Anabelle Brochu
7 -9. Recherche d’Anabelle Brochu dans le cadre de la résidence Ni un, ni deux. Pièces de poterie créées par l’artiste. Photo: Anabelle Brochu
10-12. Recherche de Lysanne Picard dans le cadre de la résidence Ni un, ni deux. Jouets sensoriels créés par l’artiste. Photo: Lysanne Picard